par Éric Gaudette-Brodeur, (SPORTCOM)
(21/07/06) - Montréal – Les milliers de spectateurs massés au Forum pour assister au concours multiple individuel de gymnastique artistique féminine des Jeux de Montréal ont encore eu droit aux prouesses de la Roumaine Nadia Comaneci aujourd’hui, elle qui l’a emporté en devançant ses grandes rivales soviétiques Nelli Kim et Ludmila Tourischeva.
Nadia a envoûté les juges pour une quatrième et cinquième fois jusqu’ici dans la compétition, obtenant des notes de 10 aux barres asymétriques et à la poutre. Elle a finalement amassé 39,75 points après ses prestations aux exercices au sol et au saut de cheval, tandis que Kim a reçu un pointage de 39,55 et Tourischeva de 39,50.
Au total du concours multiple individuel, en additionnant les points en réserve, la Roumaine a récolté un incroyable cumulatif de 79,275 points, suivi par Kim à 78,675 et Tourischeva à 78,625. Cette dernière a ainsi perdu son titre de championne olympique qu’elle avait remporté aux Jeux de Munich, en août 1972.
C’est une douce revanche pour Nadia qui avait dû se contenter de la médaille d’argent avec ses compatriotes au concours par équipes, derrière les Soviétiques, malgré ses notes parfaites aux barres lors des exercices imposés de même qu’à la poutre et de nouveau aux barres lors des exercices libres.
La jeune gymnaste âgée de 14 ans, championne européenne en titre, n’a jamais douté de son triomphe. « J’étais sûre de gagner. Je savais que si j’y mettais tout mon coeur, je gagnerais. »
La Soviétique Olga Korbut, si dominante à Munich il y a quatre ans, n’a pu faire mieux qu’une cinquième place derrière la grande amie de Nadia, Teodora Ungureanu.
Quant à nos trois Canadiennes, elles n’ont pas été en mesure d’approcher les meilleures, Karen Kelsall terminant 27e, Patti Rope 29e et Nancy McDonnell 33e.
Les spectateurs devront être attentifs à Pékin
Première gymnaste de l'histoire olympique à se voir attribuer un 10, Nadia accumulera finalement sept notes parfaites aux Jeux de Montréal, répétant l’exploit aux barres et à la poutre aux finales par engins pour mettre la main sur l’or à chaque fois. Elle méritera aussi le bronze au sol et finira quatrième au saut.
Un peu comme en 1976, quand ils avaient vu un 1 apparaître au tableau d’affichage parce que ce dernier n’était pas conçu pour indiquer 10, la grande majorité des spectateurs présents au Forum il y a 30 ans seraient bien embêtés à la vue des notes maintenant décernées.
« Le code de pointage actuel fracasse la barrière du 10 », explique Francine Bouffard, entraîneur de plusieurs anciennes Olympiennes du club Gymnix. « Si une athlète obtient une note de 10 présentement, ce n’est pas bon du tout. Elle s’est plantée comme on dit. »
« Avant 2006, si tu répondais à toutes les exigences de base, ta note pouvait partir à 8,8 par exemple. Ensuite, selon la difficulté des éléments que tu faisais, tu gagnais 1 dixième, 2 dixièmes, 3 dixièmes, etc., jusqu’à un maximum de 10 points. Par la suite, on déduisait de la note les pénalités pour les erreurs comme un écart de jambe, une chute ou des petits pas à la réception. »
Selon l’ancienne notation, une gymnaste pouvait ainsi récolter un 10 malgré une ou deux petites erreurs parce que ses éléments lui permettaient d’atteindre une note de départ de 10,2 ou 10,3.
« Depuis 2006, la note de 10 existe toujours, mais seulement au niveau des déductions, poursuit-elle. Quand les notes sont affichées, on voit la valeur de départ (difficultés des éléments), par exemple 5,5, 6,5 ou 7,2, et on voit les déductions à partir d’une note de 10. Les deux notes sont ensuite additionnées pour donner le pointage final, qui atteindra les 13, 14, 15 ou même 16. »
La perfection ne se mesurera donc pas en chiffre rond aux prochains Jeux olympiques de Pékin, en 2008. « Une note de 16 est vraiment exceptionnelle, souligne Bouffard. Les bonnes athlètes atteindront le 15. On cherche toujours la perfection, mais elle n’est plus mesurable de la même façon. »
Bien que le code de pointage ait été radicalement modifié depuis les Jeux d’Athènes, les ajustements ont presque toujours été apportées progressivement par la Fédération internationale de gymnastique.
« Le code de pointage a été révisé après Montréal », affirme l’entraîneur, soulignant qu’il est en fait révisé après tous les Jeux olympiques. « Les juges ont dû se demander s’ils voulaient toujours donner des 10. Les gens en place ont alors élaboré une notation un petit peu plus sévère. »
Porte-pancarte pour les Allemandes de l’Est il y a 30 ans, Bouffard parle encore avec enthousiasme des prestations gymniques qu’elle a vues. « Ce n’était pas la première fois que Nadia avait des 10. Pour elle, ce n’était pas étonnant. Elle avait été fidèle à ses habitudes. Il faut se souvenir que Nelli Kim avait aussi réussi à obtenir deux notes parfaites... »
Et est-ce que le phénomène Comaneci est toujours présent pour ses jeunes protégées du club Gymnix ? « Je dirais pas vraiment. Pour certaines, le nom de Nadia va leur dire quelque chose, sans plus. »
Une chose est sûre, aucune autre gymnaste n’aura autant marqué l’imaginaire et bouleversé la discipline. Nadia a d’ailleurs reçu en mars 2004 l’Ordre olympique, distinction accordée aux athlètes ayant le mieux illustré l’idéal olympique, des mains du président du Comité international olympique, Jacques Rogge.
De 1976 à aujourd’hui...
- La gymnastique rythmique a fait son entrée aux Jeux olympiques de Los Angeles, en 1984, et c’est la Canadienne Lori Fung qui avait remporté la médaille d'or du concours multiple individuel.
- Le trampoline a fait ses débuts olympiques à Sydney, en 2000. La Canadienne Karen Cockburn et son compatriote Mathieu Turgeon avait alors tous les deux obtenu des médailles de bronze. En 2004, Cockburn a remporté la médaille d'argent derrière Ana Dogonadze de l'Allemagne.